Il n’y a probablement pas de légende plus connue au Québec que celle de la Chasse-galerie. Une histoire avec le maléfique Belzébuth, des bûcherons téméraires, des jolies blondes au loin et pas mal d’alcool, bref, le cocktail habituel du folklore de notre coin de pays. Il en existe d’innombrables versions, la plus connue étant celle d’Honoré Beaugrand. Ce type du début du siècle, en plus d’être une station de métro, était un journaliste, conteur, franc-maçon anticlérical et maire de Montréal.
Il était une fois dans le Nord
L’histoire se passe il y a bien longtemps, à l’époque de nos aïeux dans un camps de bûcherons de la Gatineau. On est la veille du jour de l’an, et on se les gèle. Non seulement il fait frette, mais en plus, on est loin de toute civilisation, entouré par des murailles faites de neige et d’épinettes.
Les hommes s’ennuient raide, particulièrement de leurs blondes restées dans le bout de Lavaltrie. Heureusement une solution vient à l’esprit d’un des plus dégourdis : utiliser la fameuse Chasse-galerie, le canot du diable. Suffit de prêter un serment à Lucifer, jurer de ne pas prononcer le nom du bon Dieu, de ne point abîmer de clochers d’église en volant et de revenir avant 6 heures, sinon ce sera une âme de plus pour le démon ! Facile qu’ils se disent, et ça vaut bien le risque!
Ils s’embarquent dans le canot et prononcent la formule, Acabris, Acabras, Acabram, fais-nous voyager au dessus des montagnes! Le canot s’envole alors et part en hypervitesse, direction Lavaltrie à coup d’avirons. Les gaillards arrivent juste à temps pour un méchant party avec leurs dames et s’amusent comme s’il n’y avait pas de lendemain. Voyant l’heure fatidique éventuellement approcher, ils rembarquent dans le canot tout en pétant allègrement leur .08.
L’embarcation vole tout croche, fait du rase-motte sur les montagnes et manque proche de décapiter une statue du p’tit jésus. En fait, le capitaine de la Chasse est tellement gerlot qu’il fait planter tout le monde dans une épinette, envoyant tous les voyageurs dans la poudreuse 30 pieds plus bas.
Ils se réveillèrent sains et saufs au petit matin, ayant été trouvés par des gars de la Gatineau étant restés au camps. Ils s’épargnèrent la damnation éternelle et se jurèrent de dorénavant attendre l’été pour aller voir les minois de leurs douces!
La Chasse-galerie, par Henri-Julien
Origines
Il existe toutes sortes de légendes apparentées à la Chasse-galerie, la plupart reprenant l’idée d’une chasse aérienne, parfois à cheval ou même à dos de cochon. On attribue faussement le nom »Chasse-galerie » à l’histoire d’un certain sieur de Gallery qui aurait été condamné à hanter le ciel pour cause de mauvaise assiduité à l’église. En fait, le nom vient plutôt de »galier », qui est un mot de vieux français signifiant »cheval ». On parle donc, à l’origine, d’une course céleste à dos de destrier plutôt qu’en canot !
Un dernier verre pour la route
De nos jours, on peut se rappeler ce trip de bûcherons en buvant la Maudite, de la brasserie Unibroue.
On peut toujours écouter la version chantée de Claude Dubois, celle de la Bottine souriante ou des Maudits Matous. Et pour les fans de théâtre, Victor -Lévy Beaulieau à adapté la version du poète Louis Fréchette, avec entre autre Biz dans la distribution : ICI
Claude Dubois (avec un longue intro) :
Les Maudits Matous :
Illustration de Charles Vinh, pour Unibroue
Références :
104 histoires en Nouvelle-France, Jean-François Blais
Recherche de Robert Verreau, UQAM