Elvis Gratton, par ses paroles remplies de sagesse, nous expose ici une des complexités du peuple du Québec. En effet, notre appellation nationale, le mot servant à nous nommer en tant que peuple, a la rare qualité de changer selon l’époque et de joyeusement mélanger quiconque n’est pas trop familier avec l’histoire. En voici donc une explication chronologique pour vous permettre de vous en sortir un peu mieux que l’ami Gratton.
Français : Les premiers à s’installer ici depuis Jacques Cartier. Comme la colonie n’est pas encore établie durablement, on se rattache évidemment à la France, mère-patrie des premiers à venir planter leur croix dans le coin de Gaspé (dont plusieurs d’origine bretonne).
Canadien : À l’époque de la Nouvelle-France, on commence rapidement à faire la distinction entre les petites natures qui ne font que passer au pays et les vrais durs de durs qui restent de manière permanente. Ceux-ci se nommeront assez tôt Canadiens pour se distinguer des Français dont la culture se fait de plus en plus lointaine. Déjà à la fin du 17e siècle on voit de grandes différences entre les deux peuples, les Canadiens ayant la réputation d’être forts, vigoureux, mais pas mal portés à la débauche. Le nom, comme les gens qu’il désigne, résistera à la Conquête et au régime Anglais.
Haut/Bas-Canadien : En 1791 on crée le Haut et le Bas-Canada. Ceux-ci correspondent grosso-modo à l’Ontario et au Québec, respectivement. C’est à partir de ce moment que les Anglais, qui n’avait jusqu’à alors aucun lien avec le terme ‘’Canadien’’ commencèrent à aussi s’approprier l’appellation. Comme quoi en plus de prendre notre castor, notre hymne et notre érable, il leur aura fallu notre nom !
Canadien-Français : Comme les Anglais se sont entiché du nom ‘’Canadien’’, il faut préciser le terme pour être bien clair sur l’origine de celui qu’on appelle. À l’époque on peut aussi utiliser le très poétique ‘’Canayen’’. Cela représente encore une fois les habitants du Québec étant d’origine française.
Québécois : Depuis la Révolution Tranquille, dans les années 60, nous sommes Québécois. Le mot ne désigne alors plus systématiquement les ‘’de souche’’ d’origine française, mais quiconque se ralliant à la culture québécoise et vivant sur le territoire du Québec. Le terme est moins spécifique, mais plus inclusif. On peut bien sûr y voir un certain sens politique (on pourrait écrire bien des textes juste sur le sujet), bien qu’il s’agisse aussi d’affirmation nationale.
Il faut noter que plusieurs de ces mots ont aujourd’hui une signification différente du contexte historique. Le Canadien d’autrefois est l’ancêtre du Québécois modèle 2012, mais pas du Canadien d’aujourd’hui !
Sources : Plusieurs livres de Jacques Lacoursière, dont ‘’Une histoire du Québec’’ et ‘’Canada-Québec 1534-2000’’ ainsi que ‘’Les Québécois’’ de Marcel Rioux. L’extrait vidéo est tiré du cultissime ‘’Elvis Gratton, le king des kings’’ de Pierre Falardeau.