Peu de gens le savent, mais durant un temps une société secrète œuvra pour l’indépendance du Bas-Canada. Formée d’exilés avides de liberté et d’action, elle reçu tout un nom: l’association des Frères chasseurs.
La naissance des Chasseurs
Le groupe paramilitaire se forme après les premiers soulèvements patriotes de 1837. Plusieurs rebelles sont en exil aux États-Unis, dont Louis-Joseph Papineau. Les Ricains, sur qui on comptait pour appuyer la révolte bas-canadienne, se déclarent toutefois neutres. On assiste alors à un choc d’idées entre les combattants patriotes: d’un bord ceux qui sont un peu découragés et ne veulent pas envoyer tout le monde au charnier et de l’autre, les radicaux pour qui il faut foncer et passer à l’action. Ceux qui parlent versus ceux qui agissent.
C’est Robert Nelson qui se retrouve à la tête de l’organisation. Ils devront rapidement s’organiser pour que le tout soit secret pour ne pas alerter les autorités. On recrute et on forme des »loges », des sortes de cellules organisationnelles. On estime à plus de 15 000 le nombre d’adhérents au mouvement. En février 1838, l’indépendance du Bas-Canada est proclamée. Le texte est joli, mais il passe un peu dans le beurre des Anglais.
Le Grand Aigle du Nord et son armée de castors
Comme toute bonne société secrète, l’association des Frères chasseurs est hyper hiérarchisée et possède des titres aux noms évocateurs: Le top du top est Robert Nelson, le Grand Commandeur; vient ensuite le Grand Aigle du Nord et le Grand Aigle du Sud, qui dirigent les sections d’Amérique du Nord, et qui sont eux même appuyés par des Aigles. Vient ensuite les Castors, qui ont sous leurs ordres les Raquettes, qui commandent eux même aux Chasseurs, le titre de base, le soldat régulier.
En plus des noms colorés, il ne faut pas négliger le rite initiatique. Pour ceux qui veulent rentrer dans ce club sélect, il faudra passer au travers d’une cérémonie fort théâtrale. Les yeux bandés, on vous fera réciter un serment*, pour ensuite vous débander les yeux, révélant des frères chasseurs vous faisant de l’attitude avec une dague et un pistolet pointés sur vous. Bref, de quoi intimider le p’tit nouveau !
Il existait aussi une bonne pléthore de signes secrets enseignés aux initiés. Il fallait parfois croiser les doigts, se mettre le pouce dans la narine gauche ou sortir quelques phrases énigmatiques au bon moment. La panoplie complète pour tout bon conspirateur!
Feu de paille
Malheureusement, les Frères Chasseurs firent long feu. Mieux équipés en courage qu’en armement militaire, ils attaquèrent avec force de conviction certains points stratégiques le long de la frontière. Ils se butèrent toutefois à des troupes plus nombreuses et possédant du bien meilleur matériel. En résultat une contre-attaque impitoyable des Anglais, qui finirent par mettre plusieurs patriotes en exil. 12 de nos rebelles furent toutefois pendus à la prison du Pied-du-courant. Parmis ceux-si, Chevalier de Lorimier.
*Le serment : Je, (…), de mon consentement et en présence du Dieu tout-puissant, jure solennellement d’observer les secrets, signes, mystères de la société dite des Chasseurs, de ne jamais écrire, peindre ou faire connaître d’une manière quelconque les révélations qui m’auraient été faites par une société ou une loge de Chasseurs; d’être obéissant aux règles et règlements que la société pourra faire, si cela se peut sans nuire grandement à mes intérêts, ma famille ou ma propre personne; d’aider de mes avis, soins, propriétés, tout frère chasseur dans le besoin, de l’avertir à temps des malheurs qui le menacent; tout cela, je le promets sans restriction et consens de voir mes propriétés détruites et d’avoir moi-même le cou coupé jusqu’à l’os. (AUBIN, 2000 : 225)
Sources principales :
Patriotes et Loyaux, de Gilles Laporte, édition Septentrion
Et ce superbe article : http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=n711